30 avr. 2012


Air frais du matin. Douceur du vent. Le paysage est lavé, purifié, renouvelé.
Rencontres amusantes, touchantes, enivrantes, le bout de l'allée de la maison d'à côté débouche sur un chemin boueux emprunté par un troupeau de vaches.
A ma venue, deux m'ont saluée en s'arrêtant, la tête au-dessus du fil qui barrait mon chemin puis elles ont repris le leur. Alors chaque vache du troupeau s'est arrêtée  au fil pour me regarder. Il y en a au moins 25 ou 30 à pratiquer ce mouvement rituel du salut.
A chaque fois, j'ai eu le temps de contempler leurs longs cils sur un regard mélancolique, leur démarche lente, résignée mais accordée à leur situation. La pais.
Leurs cornes, attribut divin, avaient été sectionnés sans pitié. Quel dommage !
Leur défilé était clos par un paysan.
"Elles sont sympathiques, vos vaches !"
"Oui, elles sont bien tranquilles, elles ne se pressent pas !"
En rebroussant chemin, j'ai longé un mur de vieilles pierres paré de camées de mousse douce veloutée et protégé d'un manteau de lierre.
Les prés étaient fringants, d'un vert luisant au soleil sur lequel une main divine aurait généreusement jeté comme des étoiles ou des pièces de monnaie dorées.
Partout l'intense désir de floraison après la tempête et les pluies diluviennes de cette nuit.
Le chemin menant de la route à la maison est bordé d'une rivalité de plantes : les chardons piquants prendront le temps d'épanouir leurs fleurs souveraines, les groseilliers ont déjà des fruits, encore verts bien sûr et j'imagine déjà la rougeur des framboises sur les tiges bien drues qui les porteront.
De retour au jardin, je contemple à nouveau le pommier du japon, sa beauté insolente au pied de laquelle se prosternent de ravissantes fleurs violettes dont je ne connais pas le nom. Je m'assois près de la vielle table en bois et je me laisse saouler par le vent qui tournoie dans des valses éperdues accompagnées de murmures et soupirs en tornades  houleuses, enivrantes, étourdissantes. Je resterais là volontiers dans une immobilité à retenir jouissivement la vie, dans l'œil du cyclone.

Henri Matisse

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