Le verger de pommiers

On y entre par une porte étroite et cachée, brèche dans un mur de pierre qui enceint ce jardin.
La porte franchie, un grand silence qui s'apparente au vide
on reste un instant immobile, saisi par la paix régnante
où est-on vraiment ?
Comme dans un rêve, ce lieu semble presque impalpable et on ne sait pas si on va pouvoir s'y déplacer ou s'il n'est qu'une vision d'illusion.
Après quelques instants de recueillement, je tente un pas dans ce paysage étrange. Comment le décrire ?
Au sol de l'herbe bleue parsemée de violettes et de pâquerettes
des allées d'arbres pimpants aux ramures frissonnantes, receleuses de trésors
des pommes, des pommes partout
je m'avance vers chaque arbre pour en contempler l'abondance et les couleurs
de petites pommes vertes dures comme des noix
de belles pommes jaunes ensoleillées
des rouges à souhait bien rondes et vernissées
des métisses rouge et jaune
des beige grège à la peau ligneuse
Que de pommes toutes plus tentantes les unes que les autres
laquelle goûter en premier ?
Laquelle cueillerai-je pour satisfaire mon désir de croquer dans une chair craquante et juteuse à la fois ?
Je me promène dans les allées bordées par ces pommiers
Je rêve de la chute des pommes dans l'herbe tendre
cette herbe bleue parsemée en abondance de tous ces fruits colorés qu'on n'aurait plus qu'à ramasser
Le don de l'arbre plus que son sacrifice



Jack Youngerman 1959